Après la réunion préparatoire qui s’est tenue à Barcelone en avril dernier, le processus vers le Forum mondial des économies en transformation (FSMET 2020) commence. Par conséquent, nous voulions donner la parole à certaines des personnes qui ont participé à cette réunion.
La première réunion internationale préparatoire du Forum Social Mondial des Économies Transformatrices 2020 (FSMET 2020) s’est tenue à Barcelone les 5, 6 et 7 avril. Elle a rassemblé plus de 300 personnes de 46 pays du monde entier représentant des entités liées à la transformation des économies, des réseaux et des mouvements au niveau local et international.
La réunion a été la première étape dans le processus de confluence entre les mouvements et les actions transformatrices de l’économie, au cours de laquelle les différents acteurs ont appris à se connaître et établis les défis à débattre et le chemin vers la réunion FSMET 2020.
Une fois la réunion terminée, le RIPESS a jugé intéressant de donner la parole à plusieurs des participant(e)s à la réunion, venant de différentes parties du monde, de différents mouvements et avec des expériences différentes, mais tous et toutes avec le même objectif commun : travailler et converger pour transformer les économies et montrer qu’un autre monde existe déjà. Et cela n’est possible qu’en unissant les forces, les solutions et les pratiques pour construire un Agenda mondial inclusif au niveau local, et en surmontant les grands défis d’aujourd’hui.
Dans cet article, chacune de ces personnes explique son expérience au cours du forum préparatoire, ainsi que pourquoi elles considèrent qu’un espace tel que le FSMET 2020 et la dynamique de convergence sont nécessaires dans la sphère des économies en transformation. Enfin, plusieurs d’entre eux expriment l’objectif ultime de ce processus, qui a débuté en avril 2019 et qui est déjà en route pour la réunion de Barcelone en 2020.
Josette Combes, RIPESS Europe
Cette réunion préparatoire laisse augurer une suite riche en interactions mais aussi montre les difficultés à établir les convergences pourtant essentielles pour assurer un avenir aux espèces vivant sur la planète dont une partie de plus en plus importante est menacée d’extinction, et à terme l’espèce humaine elle-même. Même si une certaine prise de conscience commence à progresser, notamment au sein des jeunes générations, il est urgent de rassembler toutes les énergies pour faire basculer les paradigmes actuels de l’économie d’une course forcenée au profit vers une gestion raisonnée des ressources et un meilleur équilibre social et écologique.
Toutes ces dimensions travaillées forment une approche holistique cohérente dont chaque partie peut se considérer comme un acteur légitime. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre mais bien de proposer des actions concrètes, actuelles, efficaces, capables par leur démonstration d’entraîner l’adhésion d’une masse plus importante de gens qui deviendront eux-mêmes acteurs du changement.
Denison Jayasooria, Présidente de l’ASEC – RIPESS Asie
A mon avis, la thématique et l’agenda de ce processus mondial sont nécessaires et le FSMET 2020 donne de l’espace à cette conversation mondiale. Nous avons vraiment besoin de plus de séances sur le contexte de la lutte, ainsi que sur les façons pratiques dont les gens abordent la question sur le terrain d’une manière innovatrice et créative.
Je dois avouer que j’ai été impressionné par les mouvements venant d’Europe, en particulier d’Espagne. Ils ne sont pas organisés uniquement autour de projets ou de programmes. Ils partagent les valeurs de l’Économie Sociale Solidaire (ESS) ce qui peut se voir dans le travail d’équipe, dans l’alimentation et dans leur comportement. D’un autre côté, du côté asiatique par exemple, je vois davantage d’organisations qui ne sont pas vraiment des mouvements. Cela se produit aussi dans d’autres parties du monde et, par conséquent, d’ici mai 2020, nous devons élargir les mouvements. Pour cela, des réunions régionales seront donc indispensables pour donner une impulsion au FSMET 2020.
Le FSMTE 2020 doit véritablement représenter une image globale du mouvement de transformation des économies en termes de visibilité, de voix et de préoccupations, y compris les intervenants et les modérateurs.
Claudia Álvarez, Campagne pour un curriculum mondial pour l’ESS*.
Le FSMET 2020 configure un scénario politique, basé sur des structures participatives, de dialogue et de débat, dans la construction d’un agenda public. Un forum de convergence socio-économique qui est une priorité face à la diversité des sens et des recherches. Un forum qui, face à l’avancée des processus de mercantilisation capitaliste, permet de rendre visible la coexistence dans les territoires de configurations communautaires et autogérées, de dénoncer les logiques prédatrices du capitalisme envers la nature, de donner une visibilité aux modèles non coloniaux, non patriarcaux de consommation, production et échange, ainsi qu’à la recherche collective des défis urgents.
J’interprète que l’objectif final d’un processus tel que le FSMET 2020 devrait être de faire progresser l’institutionnalité des économies en transformation. Une institutionnalité exige la reconnaissance des formes et logiques de travail, des échanges multiréciproques, des relations de sociabilité sur lesquelles des normes et règles de fonctionnement sont établies, reflétées dans les lois, règlements et institutions sociales.
*La Campagne est un mouvement qui travaille sur l’éducation et la recherche.
Natalia Resimont, Quartiers du monde.
Lors du FSMET, nous avons pu participer à nombreux espaces de réflexions et depuis notre position d’économie féministe, il a été agréable de constater que les propositions ont été entendues. Le défi d’ici 2020 sera de pouvoir intégrer des nouveaux acteurs, réseaux venant des horizons différents, tel : l’eco-féministes, les nouvelles masculinités, entre autres qui questionnent la construction sociale du patriarcat en tant que système de domination masculine et son lien avec l’économie dominante d’exploitation et accumulation. Un autre défi sera d’intégrer les propositions issues du FSMET 2019.
De manière générale, il nous a semblé nécessaire, malgré une importante diversité territoriale, d’élargir la représentativité des organisations sociales et des personnes mobilisées pour avoir plus diversité aussi dans les contextes socio-économiques et politiques représentés qui permettent un dialogue suds-nords sur les enjeux soulevés dans le forum.
Quartiers du Monde adhère à la position et propositions du groupe d’économie féministes : il n’y aura pas de transformation sans repenser les systèmes dominants (capitaliste et patriarcale) et leurs mécanismes de reproduction d’inégalités, d’exclusion et de violences. Pour qu’une économie soit réellement transformatrice, il nous semble indispensable qu’elle intègre dans sa proposition une gouvernance inclusive et participative, une rupture avec la division sexuelle du travail, une valorisation du « care », et une lutte contre toute types de violences.
*Quartiers du monde concentre son travail sur le féminisme et la perspective du genre.
Xavier Rubio, Chef du Département de l’Économie Sociale et de l’Alimentation et des Politiques Urbaines, Mairie de Barcelone.
La réunion préparatoire d’avril 2019 a été un moment important dans le processus de création d’un Forum Social Mondial des Économies Transformatives. Cela a été en fait une première étape importante, nécessaire mais qu’il faut intensifier pour que le printemps 2020 rassemble à Barcelone les mouvements locaux et mondiaux, articulateurs d’alternatives transformatives.
A partir de l’action qui transforme les politiques publiques, nous considérons nécessaire, et nous voulons contribuer, afin de construire parmi et avec les mouvements, un agenda de politiques publiques au niveau mondial qui interpelle les gouvernements, afin de promouvoir et renforcer les économies en transformation.
En fait, l’objectif de l’arrivée (plutôt que la » fin « ) du FSMET 2020 devrait être la co-construction d’un agenda pour le changement de tous les mouvements et actions, la décision des instruments et de la gouvernance pour développer cet agenda ainsi que son processus de suivi et reconstruction.
*Xavier Rubio apporte sa vision et son expérience sur les politiques publiques.
Erinch Sahan, directeur générale, Organisation Mondiale du Commerce Équitable (WFTO)*
Le Forum Social Mondial des Économies Transformatives sera un moment historique. Il est fondamental dans la lutte pour une économie qui fonctionne pour les gens et la planète. La réunion préparatoire a été ma première expérience d’un processus du Forum Social Mondial et je l’ai quittée avec énergie et conviction. Il y a beaucoup de voix, d’expériences et d’idées qui doivent façonner la voie de la transformation de nos économies. Cela ne peut se faire qu’au moyen d’un processus véritablement populaire et ascendant. C’est exactement ce qu’a fait la réunion préparatoire. C’est vraiment un espace inclusif dans lequel il n’y a pas d’agenda politique prédéterminé.
La tâche qui nous attend est énorme. Des intérêts bien ancrés se battront pour le statu quo et feront valoir que leurs efforts sont suffisants et qu’une solution de rechange n’est pas viable. Mais il existe déjà un autre monde, à la fois viable et souhaitable. Au sein de notre mouvement du commerce équitable, nous avons déjà des entreprises construites pour faire passer les gens et la planète avant le profit. A cela s’ajoutent des exemples de toute l’Économie Sociale Solidaire, y compris l’agroécologie et la souveraineté alimentaire, l’économie féministe et les mouvements pro-communs. Notre travail à Barcelone en 2020 consistera à nous préparer à élargir les transformations déjà en cours. Nous serons prêts.
*La WFTO est un mouvement qui œuvre pour le commerce équitable.
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