Pourquoi des pratiques économiques solidaires
L’économie sociale solidaire propose de faire face au développement d’une économie capitaliste, néolibérale, éloignée de la réalité de la diversité des peuples et de la limitation des ressources, axée sur l’extractivisme, la croissance illimitée de la consommation et de la production, sans tenir compte des effets sociaux et environnementaux qui en découlent. Son seul objectif est le profit et la maximisation des bénéfices, augmentant la précarité, la pauvreté et les inégalités déjà existantes et insoutenables.
L’économie sociale solidaire propose un système qui n’est pas seulement économique, mais aussi socio-politique et culturel, en plaçant les processus de maintien de la vie au centre de l’activité socio-économique, en plaçant les personnes, les communautés et l’environnement au-dessus du capital et de son accumulation, et en rejetant les relations d’inégalité et d’exclusion basées sur le genre, l’orientation et l’identité sexuelle, l’âge ou l’origine à travers des valeurs liées, entre autres, à la coopération, la réciprocité, l’autogestion et la solidarité.
Au cours des 30 dernières années, il y a eu une explosion des pratiques économiques solidaires dans le monde entier, et ce, pour plusieurs raisons, notamment:
- la détérioration des conditions de vie d’une part importante de la population mondiale, qui a augmenté rapidement et s’est appauvrie;
- les relations sociales qui se vident de leurs éléments d’humanité, en raison de leur subordination aux cycles capitalistes, qui réduisent les personnes et les sociétés, respectivement, à du capital humain et du capital social destiné à être exploité dans le but de générer des bénéfices;
- la profonde dégradation environnementale, provoquée par un modèle économique linéaire d’extraction, intensif et extensif, menant à une pollution généralisée et au changement climatique.
Dans ce contexte, les initiatives économiques solidaires de base ont engendré des alternatives pour faire face à la situation, celles-ci récupèrent des pratiques intemporelles et enracinées dans la culture, les renouvellent et les adaptent au contexte actuel par l’intermédiaire des nouvelles technologies et autres ressources régénératrices et résilientes.
L’économie sociale solidaire comprend un large éventail de pratiques axées sur des dimensions économiques, sociales, environnementales, politiques, communautaires ou holistiques.
Étant donné le respect de l’ESS vis à vis de la diversité de l’expérience locale, de l’histoire, de la culture et des réalités politiques/économiques, il existe des différences dans sa définition. Cependant, il demeure une vision commune générale, des valeurs et des principes partagés qui peuvent être trouvés dans le monde entier. Au cours des dernières années, un mouvement global de l’ESS est en train d’émerger, une alternative à l’économie de marché du capitalisme, qui aspire à un changement systémique pour construire une société et une économie au service des gens et de la planète. Citoyenne et en pleine croissance, elle est basée sur des initiatives enracinées dans le local tout en faisant partie de réseaux plus globaux, avec un cadre politique large (et non pas idéologique) associé à la solidarité, l’équité, l’humain et la Terre, les droits, l’autodétermination, la mutualité et la coopération.
Qu’est-ce que l’économie sociale solidaire?—
L’économie sociale solidaire est une alternative au capitalisme et aux systèmes économiques autoritaires dominés par l’État. Dans l’ESS, les citoyen-ne-s jouent un rôle actif dans l’élaboration de toutes les dimensions de la vie humaine: économique, sociale, culturelle, politique et environnementale. L’ESS est présente dans tous les secteurs de l’économie : de la production à la finance, en passant par la distribution, l’échange, la consommation et la gouvernance. Elle vise à transformer le système économique et social, incluant les secteurs public, privé et le tiers secteur. L’ESS ne concerne pas seulement les pauvres: elle s’efforce de surmonter les inégalités, qui touchent toutes les classes de la société. L’ESS a la capacité de faire siennes les meilleures pratiques du système actuel (par exemple le souci d efficacité, l’utilisation de technologies et l accent mis sur les connaissances) et de les transformer pour les mettre au profit du bien-être des communautés, suivant les valeurs et objectifs du mouvement pour l’ESS.
(…) L’ESS vise une transformation systémique allant au-delà d un changement superficiel où demeureraient intactes les racines structurelles de l’oppression et les enjeux fondamentaux.
Définition de l’économie sociale solidaire selon les membres du RIPESS (Extrait de la Vision globale de l’économie sociale solidaire: convergences et différences entre les concepts, définitions et cadres de référence, document publié par RIPESS en 2015 dans le cadre d’un processus de dialogue entre les réseaux membres continentaux réalisé depuis 2013)
Note sur l’emploi par RIPESS de la terminologie Économie Sociale Solidaire
Le terme Economie Sociale Solidaire a commencé à être utilisé à la fin des années 90. La première rencontre de ce qui par la suite deviendra le réseau du RIPESS, eut lieu à Lima au Pérou le 4 juillet 1997 et les participants de plus de 30 pays se mirent d’accord qu’il était nécessaire d’intégrer en profondeur des structures d’économie sociale plus traditionnelles (entreprises collectives – un secteur de l’économie solidaire) et l’approche plus holistique et alternative des pratiques et des communautés de l’économie solidaire. De fait, tandis que dans la plupart des pays francophones et hispanophones, on utilise l’expression “Economie Sociale Solidaire”, quand le réseau RIPESS fut annoncé formellement en décembre 2002, il choisit d’éliminer le “ET” de son nom officiel, de manière à souligner l’objectif transformateur de changement de système de l’économie solidaire, et ainsi d’aller au delà de l’economie sociale. Il demeure cependant que de nombreux réseaux continuent d’utiliser le terme Economie Solidaire et les institutions se réfèrent généralement à l’ESS (Economie Sociale Solidaire).
Les contextes régionaux de l’économie sociale solidaire
Le RIPESS comprend que la diversité des réalités politiques, culturelles et historiques des différents pays et continents implique de faire appel à une approche flexible en ce qui concerne la terminologie, les stratégies à préconiser et les points d’entrée de l’ESS.
Afrique: en Afrique francophone, où le RIPESS a la plus forte présence, l’expression qui est employée est celle d’économie sociale solidaire. Au Mali, par exemple, la Politique Nationale de Promotion de l’Economie Sociale Solidaire (PNESS) adoptée en octobre 2014 utilise la terminologie de l’ESS.
Amérique latine et Caraïbes : RIPESS-LAC emploie le cadre de l’économie solidaire. Malgré certaines différences dans les définitions employées, il existe un large accord quant au caractère systémique et transformateur de l économie solidaire, et sur le fait qu elle se fonde sur un noyau de principes éthiques.
Amérique du Nord: le Québec s’appuie sur le concept de l’économie sociale et cherche à créer un mouvement pour la transformation axé sur les pratiques du terrain et ancré au niveau local et territorial. Dans le reste du Canada, l’accent est mis sur le cadre territorial du développement économique local. Aux États-Unis, les mouvements ont pu débuter avec un terrain relativement vierge, et le réseau des États-Unis pour l’économie solidaire (U.S. Solidarity Economy Network) a choisi de travailler dans le cadre de l’économie solidaire afin de se positionner sans ambiguïté comme un mouvement de transformation.
Asie: le Conseil asiatique pour l’économie solidaire (Asian Solidarity Economy Council ASEC) prend comme point de départ l’entreprise sociale, ainsi que la nécessité de renforcer des chaînes d’approvisionnement d’économie solidaire.
Europe: l’économie sociale et le coopérativisme en général sont assez fortement ancrés en Europe, où leur développement a précédé l’apparition du cadre de l’économie solidaire. En général, on constate une hausse de l’attention portée à l’économie sociale au niveau des institutions de l’Union européenne et une hausse de l’appui au niveau local, où les initiatives spontanées d’économie solidaire se multiplient et sont de plus en plus reconnues.
Les valeurs de l’économie sociale solidaire—
L’économie sociale solidaire est une approche éthique du développement économique, qui se fonde sur des valeurs et privilégie le bien-être des personnes et de la planète plutôt que les profits et une croissance aveugle.
Nous réaffirmons les valeurs exprimées dans la Charte du RIPESS: