Le Congrès Solikon pour l’Économie Solidaire et la Transformation, qui a eu lieu à Berlin du 10 au 13 septembre 2015, a réuni 1400 participants d’Allemagne, d’Europe et d’ailleurs pour de nombreux ateliers et visites terrain pour discuter des voies vers la transformation de l’économie et la construction de sociétés justes et équitables. Le RIPESS a organisé un panel sur le thème « L’agenda international pour le développement durable post-2015 : quels enjeux pour l’économie sociale solidaire ? » avec l’objectif de partager des analyses sur l’agenda post-2015 et discuter des opportunités qui s’y présentent pour hausser la reconnaissance de la contribution de l’économie sociale solidaire (ESS) au développement durable. Le débat animé par Jason Nardi (RIPESS Europe) a rassemblé plusieurs panélistes : Jürgen Schwettmann (Organisation Internationale du Travail-OIT, Groupe de travail inter-agences de l’ONU sur l’ESS), Claire des Mesnards (Global Call to Action against Poverty- GCAP), Denison Jayasooria (Asian Solidarity Economy Council ASEC – RIPESS Asie) et Yvon Poirier (Réseau canadien de développement économique communautaire-RCDÉC, RIPESS-Amérique du Nord).
Jürgen Schwettmann de l’Organisation internationale du travail (OIT) a parlé de l’implication de l’agence dans le Groupe de travail inter-agences de l’ONU sur l’économie sociale et solidaire (TFSSE) et dans le processus de l’agenda post-2015. Jürgen Schwettmann rappelait que les Objectifs pour le développement durable (ODD) traitent d’enjeux cruciaux pour l’agence : l’Objectif 8, notamment, appelle à la promotion de l’emploi productif et du travail décent pour tous, alors que 40 des 169 cibles liées aux objectifs ont trait au travail de l’OIT sur la protection sociale et l’emploi. Il a aussi évoqué certaines avancées du Programme d’action d’Addis Abeba adopté à la 3ème Conférence des Nations Unies sur le Financement du Développement en juillet, dont les objectifs incluent l’établissement d’un seuil minimal de protection sociale pour les besoins sociaux essentiels et la promotion du travail décent.
Yvon Poirier de RIPESS-Amérique du Nord rappelait pour sa part que les acteurs de l’ESS sont déjà actifs dans la plupart des champs couverts par les 17 Objectifs du nouvel agenda du développement. Réaffirmant la nécessité de mettre en valeur les réalisations des initiatives de l’ESS et de démontrer que l’approche de l’ESS est non seulement appropriée mais aussi essentielle pour atteindre les objectifs et cibles récemment adoptés, il soulignait par ailleurs l’importance de mécanismes de reddition de comptes efficients pour en assurer le suivi.
Claire des Mesnards, coordonnatrice pour l’Europe de Global Call for Action against Poverty (GCAP), réseau impliqué dans la campagne Action/2015, a mis l’accent sur l’importance de l’engagement de la société civile pour avoir un impact sur la manière dont les Objectifs seront mis en œuvre et a mentionné divers processus et mécanismes de la société civile se formant pour le suivi de la mise en œuvre de l’agenda post-2015 auxquels peuvent se joindre les réseaux de l’ESS. Elle a aussi rappelé que les Objectifs de l’ONU sont conçus comme un ensemble indivisible, dans le cadre duquel l’ESS en constituant une approche intégrée peut être particulièrement appropriée et représenter un outil porteur pour atteindre les Objectifs.
Les panélistes ont également souligné que l’universalité des Objectifs amène un nouveau paradigme, les ODD s’appliquant à tous les pays, et que le processus post-2015 a assuré une plus grande participation que le cadre précédent des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Un changement est aussi visible dans la manière dont les politiques mondiales envisagent le développement : « En 2000, on croyait que la croissance économique créait automatiquement des emplois. Aujourd’hui, autant les gouvernements, les travailleurs que les employeurs savent que la croissance ne se traduit pas dans des emplois si elle n’est pas intensive en travail, et si elle ne s’accompagne pas de politiques favorables aux travailleurs », soulignait le directeur du Département des partenariats et du support terrain de l’OIT.
Denison Jayasooria de l’ASEC (Asian Solidarity Economy Council) a analysé les Objectifs avec une perspective de droits humains, s’attardant au potentiel et aux défis pour les pays asiatiques, en particulier pour la région de l’ASEAN. Affirmant tout d’abord que l’emphase accrue de l’agenda post-2015 sur la participation pourrait s’avérer décisive pour ouvrir au sein des ODD une place pour les coopératives, le micro-crédit, l’éradication de la pauvreté urbaine et des initiatives pour une agriculture communautaire, il a également rappelé que les Objectifs risquent fort de ne pas remplir leurs promesses si l’on n’avance pas dans démocratisation des processus et l’intégration d’une approche de droits humains. Dans le contexte des pays asiatiques, l’emphase fréquente sur les objectifs économiques et sociaux alors que l’on néglige les droits politiques demeure un obstacle central au développement de l’ESS. Le vice-président de l’ASEC rappelait finalement que les partenariats avec les universités et les acteurs de la société civile globale seront cruciaux pour le travail à accomplir.